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Messe du Saint-Sacrement
Musique et liturgie : rencontre à risques… rencontre à chances. Le pire y côtoie le meilleur. La musique y a gagné un patrimoine. Elle y garde un champ d’expérience. Langlais explore ce champ avec un rare bonheur. Il réussit le pari impossible : joindre la tradition et la modernité.
L’année 2007, entre autres anniversaires permettra de célébrer la naissance de Jean Langlais (1907-1991). Ce compositeur fut l’un des organistes les plus marquants du XXe siècle, en Europe et en Amérique, aussi bien au concert qu’à l’office. Dans l’une et l’autre fonction, il se manifesta comme l’un des plus brillants improvisateurs de son temps. Dès les années cinquante, il participa à la réforme liturgique. Il y apportait ce que son œuvre écrite recelait déjà : l’intuition du lien privilégié entre la musique et l’action sacrée, l’imprégnation grégorienne, la tradition reçu de son enfance bretonne. C’est à l’orgue un compositeur prolifique. Mais il écrit aussi pour l’orchestre et pour les voix.
C’est ainsi qu’en 1935, il compose à l’intention du chœur paroissial d’Escalquens, près de Toulouse, d’où sa première femme est originaire, une messe brève (Kyrie, Gloria, Sanctus, Agnus), exécutée à l’époque sous sa direction. Mais il oublie cette partition. C’est Marie-Louise Jaquet-Langlais sa seconde épouse, qui la retrouve en 1999. Cette Messe d’Escalquens illustre bien la « première manière » de Langlais, jeune compositeur. On sent encore l’influence de Fauré, voire de Franck, Mais on pressent aussi la proximité de Tournemire, dont Langlais devient le successeur à la tribune de Sainte-Clotilde de 1945 à 1987.
Il suffisait qu’on articule ces pièces du Commun de la messe avec une autre œuvre vocale de Langlais, la Suite Corpus Christi, composée en 19979, qui n’est autre que le Propre de la Messe du Saint-Sacrement – la Fête-Dieu (Introït, Graduel, Alleluia, Offertoire, Communion). Mais au lieu de faire suivre la Messe d’Escalquens de la suite Corpus Christi, comme dans un disque-catalogue, on a choisi de resituer les pièces « comme à leur place » dans le déroulement de l’action liturgique. Et, par la même décision, la « deuxième manière » de Langlais se trouve « équilibrée » par la « première ». Qui écoute le disque en effet ne peut pas ne pas saisir la différence entre le Langlais de 1935 et celui de 1979. La deuxième manière est en quelque sorte plus « hard » si on peut dire. Proche sur ce point de son ami Olivier Messiaen, Langlais prend de définitives libertés avec la musique tonale, il brise les schémas de la mesure, il va jusqu’à parodier les formes reçues.
Le disque ajoute à ces deux œuvres ainsi resituées, trois autres composantes : d’abord du chant grégorien, en particulier l’hymne processionnel et la célèbre séquence de la Fête-Dieu Lauda Sion, alternée entre le lutrin et le grand-orgue ; ensuite une grande improvisation symphonique pour le long déroulement de l’offertoire ; enfin quelques pièces ‘orgue sure les thèmes de la fête. Et ainsi le disque déroule les actions musicales d’une grand-messe solennelle.
Pourquoi intituler cette dernière Caro mea ? Langlais avait une prédilection pour la mélodie grégorienne de cet alleluia de la Fête-Dieu. Il a improvisé sur ce thème des centaines de fois. Victime en 1984 d’une grave atteinte cérébrale, c’est le premier air qu’il retrouve avant même de recouvrer l’usage de la parole. Mais Langlais, profondément croyant avait médité l’Évangile de Saint-Jean : « caro me vere est cibus, sanguis meus vere est potus – ma chair est vraiment une nourriture, mon sang est vraiment un breuvage». On ne se saisit pas de ce thème grégorien comme on choisit un air quelconque pour « faire de la musique ». Ou, plus exactement, s’il le traite en musique, c’est qu’il voit dans cette opération l’un des moyens d’entrevoir, et de faire entrevoir, le mystère. Importante leçon, magistrale leçon, ici, pour tout musicien d’église. Aujourd’hui comme hier.
Daniel Hameline
Ad Limina
Emmanuel Le Divellec, orgue
HORTUS 040
T.T.
64'27
1 CD
DDD
© 2006
15,00 €
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Programme détaillé | ||
HORTUS 040 | CD DDD ℗ Hortus 2006 | T.T. 64'27 | ||
Langlais: Caro Mea | ||
Jean Langlais (1907-1991) | ||
Corpus Christi op. 208 | ||
1. | Panis angelicus | 6'14 |
2. | Introït "Cibavit" | 3'23 |
Messe d'Escalquens op. 19 | ||
3. | Kyrie | 1'16 |
4. | Gloria in excelsis Deo | 3'07 |
Corpus Christi op. 208 | ||
5. | Graduel "Oculi" | 2'21 |
6. | Alleluia "Caro mea" | 6'12 |
Anonyme | ||
7. | Lauda Sion salvatorem | 8'05 |
Jean Langlais (1907-1991) | ||
Corpus Christi op. 208 | ||
8. | Offertoire "Sacerdotes Domini" | 10'52 |
Messe d'Escalquens op. 19 | ||
9. | Sanctus | 8'58 |
Anonyme | ||
10. | Pater noster | 1'13 |
Jean Langlais (1907-1991) | ||
Messe d'Escalquens op. 19 | ||
11. | Agnus Dei | 1'45 |
Corpus Christi op. 208 | ||
12. | Communion "Quotiescumque" | 8'17 |
Hommage à Frescobaldi op. 70 | ||
13. | Fantaisie | 2'41 |